L’assistance circulatoire mécanique est maintenant vieille de plus d’un quart de siècle. Pendant cette période de nombreuses modifications sont apparues tant au niveau des indications que du matériel disponible.

La miniaturisation et la fiabilité des nouveaux systèmes d’assistance circulatoire, permettent d’envisager une prise en charge différente des malades actuellement en grande insuffisance cardiaque terminale. La simplicité d’utilisation ainsi que l’autonomie de ces nouvelles machines autorisent aisément leur prise en charge par le malade lui même et permettent ainsi un retour à domicile avec une qualité de vie proche de la normale (vie courante, travail, voyages…).

Évolution des indications

Le but d’une assistance circulatoire mécanique est d’assurer, selon les cas, une décharge uni ou biventriculaire, ou de prendre en charge totalement le travail du cœur défaillant. Classiquement, il existe trois types d’indications.

L’amélioration des résultats à long terme de la transplantation cardiaque, depuis l’utilisation d’immunosuppresseurs puissants, a conduit à une augmentation des indications. Malheureusement, il existe actuellement une inadéquation entre le nombre de candidats potentiels à une transplantation cardiaque et le nombre de greffons disponibles. Il en résulte un allongement de l’attente sur les listes de transplantation, avec la possibilité d’une détérioration, parfois aiguë, de l’état hémodynamique. Malgré des traitements médicaux de plus en plus efficaces, un certain nombre de situations hémodynamiques précaires ne peuvent être résolues que par l’utilisation d’une assistance circulatoire mécanique.

Si des paramètres hémodynamiques ont été initialement proposés avant l’implantation d’une assistance circulatoire mécanique (index cardiaque < 2 L.min-1.m-2, pression artérielle systolique < 90 mmHg, pressions de remplissage élevées) accompagnés d’une oligurie (diurèse < 30 mL.min-1) ou d’une anurie depuis moins de 6 heures, et cela malgré un traitement médical optimum.

Cette notion de traitement médical optimum est cependant difficile à définir. La combinaison de plusieurs catécholamines à doses élevées est néfaste sur la survie de ces patients. Plus que les doses de catécholamines au moment du bilan hémodynamique, il faut considérer la nécessité d’augmenter progressivement ces doses.

D’autre part, des patients peuvent être pauci symptomatiques alors même que leur index cardiaque est inférieur à 1,6 L.min-1.m-2. C’est le cas particulièrement de patients présentant une cardiopathie chronique et ayant spontanément limité leur activité physique. A l’inverse, des patients présentant un index cardiaque supérieur à 2 L.min-1.m-2 peuvent présenter des signes évidents de défaillance cardiaque avec des signes de bas débit périphérique. C’est donc sur un faisceau d’arguments cliniques, hémodynamiques et para cliniques que la décision d’implantation d’une assistance circulatoire mécanique doit être prise.

La comparaison des courbes actuarielles de survie des patients sous traitement médical et sous assistance mécanique est en faveur de cette dernière, et cela surtout pour une implantation précoce.

Certaines pathologies évoluent vers une récupération sous assistance circulatoire, après quelques heures ou quelques jours. Il s’agit surtout des myocardites virales, de certaines intoxications médicamenteuses et des bas débits cardiaques après une intervention de chirurgie cardiaque sous circulation extra-corporelle.

Cette indication est retenue surtout chez des patients éventuellement candidats à une transplantation cardiaque, mais qui malheureusement présentent une contre-indication formelle à une telle intervention chirurgicale (hypertension artérielle pulmonaire, néoplasie en rémission mais non guérie, âge).

En pratique

A l’heure actuelle, cette distinction artificielle entre ces trois types d’indications est un peu secondaire. Le patient bénéficie de l’implantation d’une assistance circulatoire mécanique, parce que son état hémodynamique le nécessite. On s’attache à le stabiliser et en fonction de l’évolution secondaire sous assistance, on adapte la thérapeutique.

Un patient que l’on pensait pouvoir être secondairement transplanté, voit sa fonction cardiaque s’améliorer progressivement. Ainsi après quelques semaines, mais plus souvent quelques mois d’assistance, un sevrage progressif de la machine devient possible.

Un patient qui présentait lors de l’implantation une contre-indication à la transplantation, voit cette contre-indication disparaître (c’est le cas de l’hypertension artérielle pulmonaire qui peut régresser sous assistance) et donc redevenir un candidat à une transplantation cardiaque.

Enfin, un patient, initialement candidat à une transplantation cardiaque, peut développer une complication qui peut remettre en cause cette intervention : une implantation de très longue durée est alors indiquée.

Il est ainsi possible d’attendre sereinement l’évolution sous assistance en dehors de l’hôpital et d’envisager les différentes options possibles en fonction des pathologies : récupération myocardique et sevrage, pont à la transplantation ou au contraire Assistance de longue durée en cas de contre indication à la transplantation.

Évolution du matériel

Le matériel a également évolué.

Les premiers systèmes d’assistance circulatoire étaient tous de type pneumatique. Ils sont tous composés d’une coque externe rigide à l’intérieur de laquelle, il y a soit un sac, soit un diaphragme en polyuréthane. Des valves mécaniques ou biologiques assurent un flux unidirectionnel.

Ils sont reliés à une console d’activation généralement très volumineuse et encombrante, limitant les déplacements possibles pour le patient. L’origine de l’air comprimé est soit une prise murale à l’hôpital (CardioWest) avec la possibilité de fonctionner temporairement avec des bouteilles d’air comprimé situées à l’intérieur de la console. Tous les autres systèmes sont reliés à des consoles à l’intérieur desquelles l’air est comprimé par un compresseur.

Le principe de fonctionnement est simple : une dépression autour du sac ou sous le diaphragme assure le remplissage de la prothèse. A l’inverse, pendant la phase d’éjection, de l’air sous pression comprime le sac ou refoule le diaphragme permettant ainsi de façon rythmique l’éjection du sang.

Tous ces ventricules assurent donc un débit pulsé. Parmi ces ventricules pneumatiques, il en existe des para corporels qui peuvent être utilisés pour une assistance uni-ventriculaire (le plus souvent gauche) ou bi-ventriculaire, et des ventricules implantés (cœur artificiel total CardioWest).

Tous ces ventricules assurent d’excellentes performances hémodynamiques et peuvent être utilisés sur des périodes longues, permettant d’attendre un greffon dans les meilleures conditions possibles.

Le système le plus utilisé est sans nul doute le système Thoratec. Une nouvelle console d’activation (TLC-II) améliore le confort du patient et autorise même la sortie de l’hôpital et un retour à domicile.

Pour les assistances pédiatriques, il est nécessaire d’utiliser des matériels spécifiques : canules et ventricules de petite taille. Peu de systèmes sont disponibles pour cette indication particulière : BerlinHeart Excor et Medos.

Tous les ventricules de dernière génération fonctionnent à l’énergie électrique. Dans les années 1980 et 1990, il existait deux ventricules électro-mécaniques implantés entre la pointe du ventricule gauche et l’aorte thoracique ascendante (Novacor, HeartMate XVE).

La pompe était implantée derrière les muscles de la paroi abdominale et un câble électrique reliait cette pompe à un contrôleur et aux sources d’énergie. Le débit délivré était de type pulsé. Le Novacor n’est plus disponible et le HeartMate pratiquement plus utilisé, du moins en Europe.

La dernière génération de pompes implantables est de type rotatif: les pompes centrifuges :

Ces pompes délivrant un débit continu, non pulsé, n’ont pas besoin de valves pour assurer un débit unidirectionnel. Pour la plupart de ces pompes rotatives, le rotor tourne autour d’un axe. Pour les ventricules de dernière génération, la rotation ne se fait plus autour d’un axe, mais c’est un champ magnétique qui maintient le rotor en lévitation (BerlinHeart Incor). Cette dernière amélioration technique élimine le risque d’usure de l’axe et d’échauffement local, ayant pour incidence  une détérioration moins importante des cellules sanguines, et permettrait une plus longue durée d’utilisation.

Avec les ventricules pneumatiques, une ligne d’activation relie le ventricule à la console d’activation. Avec les ventricules électromécaniques, il s’agit d’un câble électrique. Le passage percutané de ces lignes d’activation est une source potentielle d’infection.

Pour pallier cet inconvénient, deux techniques récentes ont été utilisées.

La transmission par inductance transcutanée :

Une bobine primaire est implantée sous la peau en avant du gril costal ; le positionnement, juste en regard, d’une bobine secondaire reliée à la source principale d’électricité assure alors la transmission de cette énergie. Ce type de transmission a été utilisé avec un ventricule d’assistance uni-ventriculaire gauche totalement implantable: LionHeart.

La bobine secondaire devait être parfaitement placée et surtout fixée pour éviter tout risque de déplacement et donc d’interruption plus ou moins prolongée de la transmission (même si le contrôleur, lui aussi implanté, servait de batterie interne avec une autonomie de 20 minutes environ). Ce mode de transmission a aussi été évoqué pour le cœur artificiel total totalement implantable: AbioCor.

Beaucoup plus intéressante est la transmission électrique proposée pour le Jarvik 2000. Le câble d’alimentation électrique, depuis la pompe intra-ventriculaire, est tunellisé jusqu’en rétro-auriculaire gauche.

Un connecteur est fixé sur l’os occipital, selon des techniques utilisées en stomatologie (implants) ou lors de l’implantation de prothèses auditives. Ce connecteur est passé à travers la peau. C’est sur ce dernier que vient se brancher l’alimentation électrique délivrée par une batterie. Cette technique a plusieurs intérêts : connexion fiable de longue durée, peu ou pas d’infection, connexion étanche permettant au patient de pouvoir prendre une douche ou même d’aller à la piscine en utilisant une rallonge entre cette connexion et le contrôleur et la batterie.

Au début de l’assistance circulatoire, tous les systèmes délivraient un débit pulsé qui était réputé plus physiologique, puisque se rapprochant de ce que délivre le cœur natif.

Mais des implantations de longue durée de pompes délivrant un débit continu ont montré qu’il n’en était rien. D’oû l’intérêt des pompes rotatives qui sont plus petites, silencieuses, sans valves.

Pour les pompes les plus anciennes, l’implantation nécessitait toujours une circulation extra-corporelle : intervention plus longue, plus hémorragique. Avec les pompes de dernières générations, beaucoup plus petites, mais n’assurant qu’une assistance uni-ventriculaire gauche, l’implantation peut se faire par thoracotomie gauche (et non plus par sternotomie) et surtout sans circulation extra-corporelle. Les suites post-opératoires en sont facilitées.

Lorsque le sang rentre en contact avec une surface artificielle de nombreuses modifications apparaissent très rapidement avec en particulier l’activation de la coagulation. Tous ces processus aboutissent à la formation de caillots qui peuvent être responsables d’embolies en particulier cérébrales. Afin d’éviter ces complications, un traitement anticoagulant est nécessaire. Cependant, afin d’améliorer la biocompatibilité des matériaux artificiels plusieurs améliorations ont été apportées.

Initialement, afin d’éviter que les éléments figurés du sang (plaquettes et globules) ne se fixent sur les biomatériaux, ces derniers devaient être le plus lisse possible. L’analyse en microscopie électronique a montré que c’était rarement le cas, avec l’apparition de microfissures où venaient se fixer les plaquettes.

A l’inverse, pour le HeartMate I, les surfaces en contact avec le sang étaient recouvertes de microbilles de titanium. Sur la surface, initialement rugueuse, se développait rapidement un néo-endothélium (cellules recouvrant tous les vaisseaux). Cette technique a permis de diminuer considérablement les traitements anti-coagulants et donc les risques hémorragiques.

Cette technique a été reprise en partie dans la pompe axiale HeartMate II. Enfin, de nombreuses études ont montré qu’il était possible de fixer de façon chimique (liaisons ioniques et/ou covalentes) de l’héparine directement sur le biomatériau. Cette technique est utilisée pour le BerlinHeart Incor par exemple. Par ailleurs, il est important qu’à l’intérieur de la prothèse, il n’y ait aucune zone de stase, d’où les études de flux en laboratoires avant la commercialisation de ces prothèses.